Zazen (litt. méditation assise) nous enseigne comment examiner notre propre processus de perception avec une redoutable efficacité. Nous observons ainsi l’apparition de la pensée et de la perception avec un sentiment de détachement serein. Nous apprenons à voir nos propres réactions aux stimuli (internes et externes) avec calme et clarté.
Alors nous commençons à nous voir réagir sans être pris dans les réactions elles-mêmes. Zazen est un apprentissage qui nous ouvre profondément à une (nouvelle) vision de la réalité telle qu’elle est vraiment. Cette ouverture s’accompagne de l’approche originale et déconcertante (dans un premier temps) d’un aspect central de notre vie qui est : « moi ».
En effet l’examen « sans objet » nous révèle que nous fonctionnons de la même façon avec « moi » qu’avec nos perceptions. Nous avons pris un ensemble continu et fluide de pensées, d’émotions, d’images et de sensations et l’avons agrégé dans une construction mentale affublée de l’étiquette « moi ».
Les années s’accumulant nous l’avons considéré de plus en plus comme une « entité » statique, permanente, séparée de toutes les autres Immanquablement nous la plaçons (voulons ?) comme « quelque chose » qui serait « en-dehors » de ce processus universel de changement …
Alors nous nous désolons de nous sentir aussi seul.
Nous feignons d’ignorer notre connexion évidente avec notre environnement et avec tous les êtres sensibles, et nous décidons d’en obtenir toujours davantage pour « moi », davantage de ceci, davantage de cela, nous tâchons de boucher, vaille que vaille, tous les trous de cette carlingue déglinguée qui au fil du temps prend l’eau de toute part …
Alors, nous nous étonnons de ce que le genre humain soit aussi cupide, insensible et stupide.
Chaque mauvaise action, chaque parole blessante, chaque exemple de faiblesse de cœur provient de ce faux sens du « moi » perçu comme distinct de tout le reste. Faire sauter l’illusion de ce seul concept et la vie prend une autre perspective !
Mais il ne faut pas s’attendre à y parvenir du jour au lendemain, sans effort. Nous passons notre vie entière à construire et entretenir ce « moi », à le renforcer avec chaque pensée, chaque mot, chaque action. Il ne va pas s’évanouir instantanément, mais il s’atténuera si nous y consacrons suffisamment de temps et d’attention …
Un temps pour soi.
Zazen est un « procédé » par lequel il est dissous. Peu à peu, naturellement, automatiquement, inconsciemment. Nous l’effritons, simplement en l’observant.
Le concept « moi » est un processus. C’est quelque chose que nous faisons. Avec zazen nous apprenons à voir ce que nous faisons pendant que nous le faisons et comment nous nous y prenons pour le faire …
Alors le « moi » bouge et s’estompe, passant comme un nuage dans un ciel devenu limpide. Nous nous trouvons dans l’état d’esprit ou nous pouvons lui faire jouer son rôle ou non, en fonction de ce qui paraît approprié à la situation …
L’obligation est partie.
Nous avons le choix.
tiré du dojozen de brives