vendredi 6 juillet 2012

SHOBOGENZO chapitre 3 : GENJO KOAN


Lorsque tous les dharmas sont le Dharma du Bouddha, alors il y a illusion et réalisation, pratique ainsi 
que vie et mort, il y a des bouddhas et des êtres ordinaires. Lorsqu’on constate qu’aucun phénomène parmi 
l’infinité des dharmas ne constitue de soi, il n’y a ni illusion ni réalisation, ni bouddhas ni être ordinaires, ni vie 
ni mort.
La vérité du Bouddha transcende l’abondance et la rareté de ceci ou cela, de sorte qu’il y a vie et mort, 
illusion et réalisation, des êtres ordinaires et des bouddhas. Et bien qu’il en soit ainsi, même si nous aimons les 
fleurs, elles fanent ; et même si nous détestons les mauvaises herbes, elles prolifèrent.
Nous amener à pratiquer et expérimenter l’infinité des dharmas en transportant une notion de soi est 
une illusion. Lorsque la myriade des dharmas au contraire active notre pratique et notre expérience, cela est la 
réalisation. Ceux qui s’éveillent profondément de l’illusion sont des bouddhas. Ceux qui sont gravement 
illusionnés au sujet de l’éveil sont des êtres ordinaires. Il existe des personnes qui atteignent davantage de 
réalisation en partant de leur réalisation. Il existe des personnes égarées dans l’illusion, qui y créent encore 
plus d’illusion.  
Lorsque les bouddhas sont réellement des bouddhas, ils n’ont pas besoin de se décréter ni de se savoir 
bouddhas. Néanmoins, ils sont bouddhas dans leur éveil à la nature de Bouddha, et ils portent le sceau de la 
nature de Bouddha.
Lorsque nous utilisons le corps-esprit entier pour contempler les formes, et de même pour écouter les 
sons, même si nous les ressentons directement, ce n’est pas semblable au reflet d’une image dans le miroir, ni 
pareil à l’image de la lune dans l’eau. Lorsque nous expérimentons un côté, nous sommes aveugles à l’autre 
côté.
Connaître la vérité du Bouddha est se connaître soi-même. Se connaître soi-même c’est s’oublier soimême. S’oublier soi-même c’est être certifié par toutes les existences. Être certifié par toutes les existences, 
c’est se dépouiller de son corps-esprit et du corps-esprit d’autrui. Alors les traces de réalisation disparaissent 
mais cette réalisation sans trace se prolonge très longtemps.
Lorsque l’on commence à rechercher le Dharma, on est très loin encore des frontières de son 
royaume. Mais dès qu’il nous a été authentiquement transmis, nous sommes enfin un être humain dans son 
élément naturel. Lorsqu’un homme navigue sur un bateau le long des côtes et qu’il porte son regard sur une 
plage, il peut croire à tort que la plage bouge.  S’il fixe son regard sur le bateau, il constate clairement que c’est 
le bateau qui avance. 
Pareillement, lorsque nous essayons d’embrasser les myriades de phénomènes sur la base de nos 
conceptions confuses sur le corps et l’esprit, nous croyons à tort que notre propre essence ou notre propre 
esprit seraient permanents. Au contraire si nous nous familiarisons avec la pratique et nous appuyons 
exactement dessus, la vérité devient évidente, à savoir que toutes les existences sont sans substance.
La bûche devient cendres ; les cendres ne peuvent jamais redevenir bûches. Néanmoins, nous ne 
devrions pas considérer que les cendres soient le futur de la bûche et la bûche le passé des cendres.  Sachez 
que dans le monde du Dharma la bûche est complètement bûche. Elle a un passé et un futur. Bien qu’ayant un 
passé et un futur, elle a un présent dont ils sont nettement tranchés. De même dans le monde du Dharma les 
cendres sont totalement cendres, elles ont un passé et un futur.  La bûche, une fois devenue cendres, ne peut 
redevenir bûche.
De même, les êtres humains, après leur mort, ne peuvent revenir à la vie. En même temps, il est de 
coutume dans le Dharma tel qu’enseigné par le Bouddha, de ne pas dire que la vie devient mort. C’est pour 
cela que nous parlons de non-apparition. Et il est tout aussi établi dans l’enseignement du Bouddha qui fit 
tourner la roue du Dharma, que la mort ne se transforme pas en vie. C’est pourquoi nous parlons de nondisparition. 
La vie est une situation instantanée, de même que la mort. C’est la même chose, par exemple, que 
pour l’hiver et le printemps. On ne considère pas que l’hiver devienne le printemps, et on ne dit pas non plus 
que le printemps devient l’été.
Une personne qui obtient la réalisation est pareille à la lune reflétée dans l’eau : la lune n’est pas 
mouillée par l’eau, et l’eau n’est pas troublée par la lune. Bien que la lumière de la lune soit vaste et large, elle 
est reflétée dans la moindre flaque. Toute la lumière de la lune et du ciel sont reflétés par la moindre goutte de 
rosée sur un brin d’herbe, et dans la moindre gouttelette d’eau. L’Éveil ne déchire pas l’individu, de même que 
la lune ne transperce pas l’eau. La personne ne dérange pas l’Éveil, de même qu’une goutte de rosée ne 

dérange ni le ciel ni la lune. La profondeur de l’Éveil peut être comparée à la hauteur de la lune. La longueur ou 
la brièveté de son apparition devraient être recherchées  dans les toutes les surfaces aquatiques, et observées 
dans toutes les dimensions du ciel et de la lune.
Tandis que le Dharma n’a pas encore complètement rempli notre corps-esprit, nous nous sentons déjà 
rassasiés. Lorsque le Dharma remplit complètement le corps-esprit, nous ressentons qu’il manque encore un 
aspect.
Par exemple, naviguant au-delà des montagnes au milieu de l’océan, lorsque nous regardons dans les 
quatre directions, l’océan nous apparaît comme rond. Il ne semble pas du tout avoir aucune autre forme que ce 
soit. Néanmoins nous savons que le grand océan n’est ni rond ni carré. Les autres aspects de l’océan sont 
inépuisables : pour les poissons il est un palais, et pour les dieux un collier de perles. Mais aussi loin que nos 
yeux puissent voir, il nous apparaît pourtant comme rond. 
De même que pour l’océan, il en est ainsi de l’infinité des existences : dans le monde ordinaire comme 
dans celui de l’Éveil, toutes les existences englobent des situations très diverses, mais nous ne voyons que ce 
que nos yeux de pratiquants de la Voie sont capables d’atteindre. Si nous désirons entendre la vérité sur les 
existences de l’Univers, nous devons avoir présent à l’esprit qu’au-delà de leur apparence ronde ou carrée, les 
aspects des océans et des montagnes sont nombreux et infinis ; et qu’il existe des mondes dans toutes les 
directions. Ce n’est pas seulement ce qui nous entoure au loin qui est ainsi : mais même le présent immédiat, 
même une simple goutte d’eau sont ainsi.
Les poissons, partout où ils nagent, trouvent une eau sans fin. Les oiseaux, partout où ils volent, 
rencontrent le ciel sans limites. Et cependant les poissons et les oiseaux, depuis la nuit des temps, n’ont jamais 
quitté l’eau ou le ciel. Plus leur nécessité est grande plus leur activité est vaste, et plus la nécessité est réduite, 
plus elle est restreinte. Agissant ainsi, nul ne peut manquer de constater ses propres limites à chaque instant, 
et nul ne manque pourtant de virevolter librement à chaque endroit et de faire le meilleur usage de son 
environnement en pourvenant à ses besoins; mais si un oiseau quitte le ciel il s’éteindra en peu de temps, de 
même le poisson hors de l’eau mourra rapidement. 
Nous comprenons donc que l’eau et l’air sont la vie. Les oiseaux et les poissons sont la vie. On peut 
tout aussi bien dire que la vie est poissons et oiseaux. Et au-delà nous pouvons encore pousser ce 
raisonnement, étant donné que la situation n’est pas différente pour la pratique et l’Éveil. L’existence de la 
pratique-expérience, et l’existence du flux de la vie, et de la vie dans ce flux, sont ainsi. Ceci étant, un poisson 
ou un oiseau qui projetterait de ne se déplacer qu’après être descendu au fond de l’océan ou avoir pénétré 
totalement le ciel, ne pourrait jamais trouver son chemin ni sa place dans l’eau ou dans le ciel. 
Lorsque l’on se trouve dans un lieu, ce lieu est relié à tout l’Univers. Lorsque nous trouvons notre
chemin, cette action est inévitablement celle de tout l’Univers. Lorsque nous trouvons ce chemin, cette action 
est inévitablement la réalisation de l’Univers lui-même. Ce chemin et ce lieu ne sont ni grands ni petits ; ni 
subjectifs ni objectifs ; ils n’ont pas existé jadis ni ne jaillissent spontanément dans le présent ; mais ils sont 
présents « ainsi ».  Pour un être humain qui pratique et expérimente la vérité du Bouddha, réaliser un 
phénomène est pénétrer un phénomène, et rencontrer une action est réaliser une action. Dans cet Éveil le lieu 
existe et la Voie est maîtrisée, et pour cette raison l’étendue du domaine à connaître n’est pas clairement 
visible.
La raison en est que cette connaissance et cette réalisation parfaite du Dharma du Bouddha 
apparaissent ensemble et sont expérimentées ensemble.
Ne pensez pas que ce qui est atteint deviendra obligatoirement conscient et reconnu par l’intellect :
car dans le même temps, son existence mystérieuse n’est pas nécessairement manifestée. La réalisation n’est 
autre que cette indécision fondamentale.
Le Maître Zen Hotetsu utilisait un éventail. Un moine vint et demanda : « La nature de l’air est toujours 
présente, et il n’y a aucun lieu que l’air ne puisse atteindre. Pourquoi alors le Maître se sert-il d’un éventail ? »
Le Maître dit : « Vous avez seulement compris que la nature de l’air est toujours présente, mais vous ne 
comprenez pas le principe selon lequel il n’y aucun endroit que l’air ne puisse atteindre. »
Le moine dit alors : « Quel est le principe selon lequel il n’y aucun endroit que l’air ne puisse 
atteindre ? »
En guise de réponse, le Maître se contenta d’agiter son éventail. Le moine se prosterna. L’expérience 
réelle du Dharma du Bouddha, la voie vigoureuse de la transmission authentique est ainsi. Quiconque affirme

que, puisque l’air existe partout, nous n’avons pas besoin d’éventail, ou que même sans utiliser d’éventail nous 
pouvons tout de même sentir l’air, ne connaît pas la présence éternelle, et ignore la nature de l’air. 
Parce que la nature de l’air est présence éternelle, l’action des patriarches a commué la Terre en or et 
a permis à la Voie Lactée de mûrir en un délectable yoghurt.

 Version complète traduite par Fabrice SEVERIN.