mardi 30 octobre 2012

ETUDE COMPARATIVE DES ENSEIGNEMENTS DES MAÎTRES ZEN THÍCH NHẤT HẠNH et THÍCH THANH TU


ETUDE COMPARATIVE DES ENSEIGNEMENTS DES MAÎTRES ZEN
THÍCH NHẤT HẠNH et THÍCH THANH TỪ



       
Présentée le 04 juin 2006 à la Pagode de THƯỜNG LẠC

Parler de ces deux grands maîtres zen,  et plus audacieucement encore de l’étude
comparative de leurs enseignements serait une vraie gageure à réaliser en une
séance.
Cependant devant un engouement important du public pour ces deux écoles de
Méditation bouddhique vietnamienne, nous essayons aujourd’hui d’aller à l’essentiel.
Aussi comptons-nous sur vous de bien vouloir apporter à la fin les compléments
d’informations ou de rectifications s’il y a lieu pour cet exposé d’importance capitale
au public épris d’acquérir des informations précises et utiles sur ces deux écoles.


HISTORIQUE de THÍCH NHẤT HẠNH



A l’âge de 16 ans, Thầy fut ordonné moine novice à la pagode de Từ Hiếu, près de la
Cité impériale de Huế au centre du vietnam. Très vite ce jeune moine novice se
servit de gathas ( Les gathas sont de courts poèmes pour rappeler les novices à la pleine conscience.) pour la pratique de la pleine conscience dans sa vie
quotidienne. Il devint très rapidement un jeune maître dynamique rempli de
bodhicitta, cet esprit d’amour qui n’a jamais cessé de rayonner en lui.
En 1950, Thầy fonda l’Institut des Hautes Etudes du Bouddhisme  Ấn Quang qui
devint le berceau de la lutte non-violente des bouddhistes contre la guerre du
Vietnam entre 1963 et 1975.
Après avoir présenté un rapport sur sa vision du Christianisme, du Judaïsme et de
l’Islam à l’Université de Princeton, il fut invité à enseigner les études comparatives
des religions à l’Université de Columbia Cité de New York de septembre 1961 à fin
1963.
De  retour  au  Vietnam,  il  fonda l’Université bouddhique Vạn Hạnh, puis en 1965,
l’Ecole de la Jeunesse au Service Social. Elle réunit près  de 10 000 travailleurs
sociaux dans 42 provinces du Sud Vietnam qui étaient véritablement des artisans de
paix en période de guerre.  A l’époque, son désir le plus cher était d’insuffler du
renouveau au bouddhisme vietnamien afin  de l’adapter au besoin du pays et des
jeunes. C’était le début du Bouddhisme engagé qui avait pris forme au Vietnam.
En 1966, Thầy sortit du Vietnam  pour aller plaider aux Etats Unis, en Australie, et en
Europe au rétablissement de la paix au Vietnam. A ce titre, il avait été proposé par le
pasteur Martin Luther King pour le prix Nobel de la paix en 1967. Malheureusement,
cet appel contre la guerre du Vietnam lui avait coûté l’interdiction de visa de retour
au pays. Refugié politique en France depuis 1969, Thầy s’était obligé alors à
s’adapter aux nouvelles conditions de vie occidentale. Il avait été invité à donner des
enseignements bouddhiques à La Sorbonne  et avait su profiter de ces moments
propices pour rédiger le Recueil des Commentaires en 3 tomes de l’Histoire du
Bouddhisme vietnamien signé sous le nom de Nguyễn Lang.
Thầy vit actuellement dans le sud ouest  de la France au sein d’une communauté
bouddhique, le "Village des Pruniers" qu’il a créé en 1982. Ce coin au départ inconnu
devient progressivement un grand centre de pratique monastique regroupant
plusieurs hameaux, au nombre de sept actuellement, répartis dans trois
départements limitrophes, la Dordogne, la Gironde et le Lot-et-Garonne.
Le Village des Pruniers est aujourd’hui  un centre international qui abrite une
communauté de plus de cents moines et moniales de  toutes nationalités. Ces
derniers animent régulièrement des séminaires ou des retraites aux laïcs qui viennent
apprendre l’art de vivre en pleine conscience à travers les actes quotidiens simples
tels que respirer, manger, parler, écouter, marcher... Thầy leurs dispense de
multiples enseignements et pratiques, tels que la méditation assise, la marche
méditative, les cinq entraînements à la pleine conscience, les quatorze entraînements
de l’ordre de l’Inter-Être, le partage sur le dharma, la méditation du thé, les touchers
de la terre, la méditation de l’étreinte...
Les retraites organisées chaque année au Village des Pruniers réunissent non loin
d’une quarantaine de nationalités différentes.
Lors de ces retraites, les participants apprennent à pratiquer la Pleine Conscience, à
prendre les repas en silence afin d’apprécier la nourriture et les autres pratiquants
qui les entourent, à partager en petits  groupes leurs expériences ainsi que leurs
visions profondes. Tous les jours ils partageront également des moments de
méditation du travail; ils apprendront ainsi à travailler ensemble en harmonie et dans
la détente, et ils partageront le travail avec la communauté, en aidant par exemple à
la préparation des repas ou au nettoyage, à l’entretien des parties communes ou au
jardinage. Il y aura une période de Noble Silence tous  les jours, pour les aider à
cultiver leur sagesse intérieure, et ils  profiterons de leur  temps personnel pour
revenir sur eux-mêmes, contempler la beauté de l’environnement, ou faire
connaissance avec les autres retraitants.
En somme, au Village des Pruniers, nous apprendrons à vivre en harmonie avec la
Sangha en essayant de comprendre les  autres par une communication adroite, de
développer notre écoute profonde et notre parole aimante, pour qu’ensuite en
rentrant à la maison, nous puissions amener cette pratique à notre vie de tous les
jours et établir ce type de rapports avec  notre famille, les amis, les collègues de
travail, etc...
Par ailleurs, il existe de nombreux sanghas et monastères sous l’égide du Maître
disséminés un peu partout en Europe, en  Amérique du nord et au Vietnam. Ce
maître bien qu’octagénaire continue à  parcourir inlassablement le monde afin de
transmettre la règle d’or : l’Inter-Être,  l’interdépendance de tous les phénomènes.
Cette règle nous amène vers l’enseignement du partage, de la paix, l’amour et la
compassion entre tous les êtres, sans discrimination.
Il est l’auteur d’environ une centaine de livres qui sont traduits en plusieurs langues.
Les plus connus sont : La plénitude de l’instant, La  sérénité de l’instant, La
respiration essentielle, La vision profonde, Le silence foudroyant, Enseignements sur
l’amour, Transformation et guérison, La colère... et bien d’autres encore.

MZ THÍCH THANH TỪ
Thầy était issu d’une famille pauvre à Vĩnh Long, une région fertile située dans la
province sud-est du Vietnam et avait dû s’employer pour se nourrir comme batelier
sur le petit fleuve du pays nommé Trà ôn.
Depuis son jeune âge, Thầy aspira déjà que s’il ne  pouvait pas être un remède
efficace pour guérir tous  les malades du monde, il devrait néanmoins être un
complément vitaminique capable de renforcer la défense de ses semblables contre
leurs souffrances.

A 26 ans, cet appel incessant venant du  plus tréfond de sa conscience devint si
pressant qu’il avait dû quitter sa famille pour se faire ordonner par le très Vénérable
Thích Thiện Hoa. Avec une tenacité et une assiduité exemplaires, il avait achevé les
études supérieures du bouddhisme en dix ans. Pendant ses études, à la lecture d’un
passage de Śuraṃgama sūtra ( Kinh Lăng nghiêm ) relatant les sept interrogations
d’Ānanda sur l’Esprit, il s’était mis à pleurer lorsque le Bouddha reprocha à Ānanda
Ārya de s’être laissé duper par les objets de connaissance qui  sont les formes, les
sons, l’odeur, le saveur, le toucher et les objets mentaux et d’oublier en conséquence
son identité intrinsèque, sa vraie nature aux dépens des choses extérieures à soi.  En
effet, au cours de l'Assemblée Śuraṃgama en levant son bras en direction d’Ānanda,
Bouddha lui demanda : "est-ce que  vous le voyez ?" , réponse d’Ānanda: " je le
vois" ; Ensuite Bouddha baissa son bras en disant : "maintenant, vous le voyez
encore ?" , réponse : "non , je ne le vois plus". Alors Bouddha le réprimanda : "vous
poursuivez autre chose et vous oubliez vous-même" . Ensuite Bouddha enjoignit son
fils, le vénérable Rāhula de sonner la cloche, puis il demanda à Ānanda : " entendezvous le son de cloche ? ", réponse d'Ānanda : " je l'entends " . Au moment où le son
de cloche cesse de résonner, Bouddha posa la même question à  Ānanda qui
répondit: " Non, L’Honoré, je ne l'entends pas ". De nouveau Bouddha réprimanda : "
Vous oubliez vous-même en poursuivant autre chose ".
Thầy entrevit dès lors la vraie nature de l’Esprit à travers l’omniscience de la vue, de
l’ouïe qui sont omniprésents en nous.
De 1960 à 1963, Thầy devint un enseignant remarquable et très apprécié par ses
élèves. Cependant il n’était  à l’aise devant les questions de ses interlocuteurs qui
l’interpellaient sur la vérité ultime, car il était conscient que ses réponses restaient
encore très livresques, ne  permettant pas de donner suite à des réelles pratiques
salvatrices. Par ailleurs, recevant de son maître une formation de la voie du
Bouddhisme de " la Terre Pure ", Thầy s’interrogea sur le pourquoi et le comment de
son travail d’ enseignement dont la nature ne correspondait pas à sa quête spirituelle
ni à sa conviction religieuse.
En 1961, il avait dû faire une halte d’enseignement pour raison de santé et alla se
faire héberger par Thầy Nhất Hạnh au Phương Bối Am à Dalat. Pendant son séjour
de convalescence, il avait pu approfondir le livre Lục Diệu Môn du maître ch’an Trí
Khải. Il s’agit d’un livre de pratique de méditation sur " les six types de respirations
ouvrant la porte du  Nirvana ". En 1963, Thầy revint assurer la direction
d’enseignement de l’Institut bouddhique Huệ Nghiêm et tâcha de poursuivre encore
son enseignement jusqu’à 1966 sans pouvoir trouver de solution à sa quête
intérieure. Il demanda alors à son maître de pouvoir se retirer de l’enseignement afin
de se consacrer pleinement à sa recherche.
Thầy avait pu enfin se retirer dans la " grande montagne " de Vũng Tàu (cap Saint
Jacques) et  se mit alors à pratiquer intensément la méditation. Au début de 1968
dans sa petite hutte, il s’était promis de ne plus jamais la quitter s’il ne découvra pas
l’énigme de sa quête. Un jour, il fut réveillé en pleine nuit par une voix énigmatique
et réalisa d’emblée le sens profond de la doctrine de la vacuité (Śūnyatā). En fin de
cette année-là, Thầy déclara sortir de sa retraite et procéda à un enseignement
pratique différent de ce qu’il avait employé antérieurement. Celui ci était basé sur le
sutra du cœur de la perfection de la sagesse transcendantale, le prajñā pāramitā et
surtout sur la pratique de la méditation qu’il nomma par la suite la Méditation
bouddhique vietnamienne.
Thầy forma en 1970 sa première école de méditation à Chơn Không où il enseignait
la pratique de méditation qui créa un engouement particulier auprès des bouddhistes
du pays. Ses monastères et sanghas n’ont depuis cessé de s’ériger partout dans le
pays, au gré des aspirations grandissantes de ce courant de méditation,
principalement au Sud du Vietnam dans la région de Long Thành et de Bà Rịa, au
haut plateau Dalat, également au nord du Vietnam dans les montagnes de Yên Tử et
de Tây Thiên, et aussi au centre du Vietnam en voie de réalisation dans la montagne
de Bạch Mã, contribuant ainsi à donner  un nouveau souffle au bouddhisme
vietnamien.
A l’étranger, nous suivons  avec beaucoup d’intérêt depuis quelques années une
propagation de son enseignement aux Etats-Unis, au Canada, en Australie et en
France, surtout là où se concentrent des vietnamiens d’outre mer. Ses disciples sont
innombrables au Vietnam et à l’étranger. Approximativement, les moines et moniales
seraient au nombre de 20 000 et les laïcs initiés à la Méditation bouddhique de Thầy
sont estimés non loin à un demi-million de personnes.
Ses ouvrages constituent un trésor inestimable pour les pratiquants de la méditation
bouddhique. Il comporte plus d’une cinquantaine de livres composés de sutras
grands classiques commentés à la manière zen, d’anciens sastras ( Les Sutras relatent les enseignements du Bouddha, les Sastras, les enseignements des Patriarches) des grands
patriarches chinois et vietnamiens, et d’écrits de vulgarisation de l’enseignement
bouddhique, écrits tous en langue vietnamienne. Ses sermons simples, directs et
joviaux sont largement accessibles à tous les niveaux de connaissance.
Aujourd’hui âgé de 83 ans, le maître s’adonne entièrement dans son monastère à
Dalat baptisé " monastère de la forêt de bambous au phénix (Trúc Lâm Phượng Hoàng) "
à sa pratique de méditation et délègue tous ses pouvoirs au comité de moines et
moniales qui gèrent collectivement toutes les activités nationales et étrangères.

BASES ESSENTIELLES DE LEURS ENSEIGNEMENTS

ENSEIGNEMENTS DU MZ THÍCH NHẤT HẠNH :



La règle d’or des enseignements du Maître du Village des Pruniers consiste à
observer l’ordre de  l’Inter-être et à promulguer ses
quatorze entraînements.
Le mot "inter-être" n’existe pas encore dans le dictionnaire. Etre, c’est
nécessairement inter-être, car nous pouvons pas "être" simplement par nous-même.
Nous devons forcément "inter-être" avec toutes les autres choses. La feuille de
papier racontée par Thầy ne pourrait pas être conçue que s’il y avait le concours
d’autres éléments tels que les  arbres de forêt, le soleil, la pluie, le bûcheron qui a
coupé l’arbre et toutes les gens qualifiées dans la fabrication du papier... Cette feuille
de papier n’inter-est ainsi que grâce à  l’interdépendance des autres choses, sans
lesquelles elle ne pourra pas exister. Aussi, lorsque nous comprenons qu’une simple
feuille de papier puisse contenir en elle tous les autres éléments non-papier, nous
pourrions comprendre qu’un grain de poussière puisse englober dans sa petitesse
tout l’univers et que notre cœur et notre esprit deviendront alors infinis. Cette vision
profonde de l’inter-être enseigné dans l’Avatamsaka sūtra (Kinh Hoa Nghiêm) nous
permettra d’opérer en profondeur notre transformation et de savourer le bonheur
d’inter-être unifié à l’univers tout entier.
Ce qui anime le cœur et l’esprit de Thầy, c’est  le Bodhicitta, le cœur de l’esprit
d’éveil qui reste allumé sans cesse en lui. Jadis avant 1975, devant les souffrances
causées par la guerre du Vietnam, ce jeune moine vietnamien avait plaidé la non
violence et la paix réelle. Après la réunification du pays, il poursuit de 1976 à 1992
son œuvre de paix en aidant les réfugiés "boat people" du Vietnam, Cambodge et
Laos  en partageant leurs souffrances. Sa prise de position était tellement incomprise
des régimes politiques successives du pays qui le croyaient autrement qu’un simple
moine épris de Bodhicitta. Actuellement, en temps de paix, dans son monastère et
dans les différentes retraites organisées dans le monde entier, Thầy propose aux
pratiquants bouddhistes ou  non, mille solutions pratiques face aux difficultés ou
souffrances dans leur vie quotidienne, leur permettant ainsi de retrouver la plénitude.
Le bonheur est avant tout ici et maintenant. Il est toujours là, à nous de savoir le
saisir au moment présent.
Par une méthologie louable, avec des  paroles douces et pénétrantes, Thầy nous
apprend à découvrir une multitude d’expériences pratiques dont le but ne s’écarte
jamais de savoir comment retrouver cette plénitude de l’instant et ceci grâce à la
pratique de la Pleine conscience.
Cette  Pleine conscience est une force intérieure  qui nous anime dans notre
pratique quotidienne et qui consiste à  apprendre à vivre pleinement conscient à
chaque instant de notre vie, non seulement dans la salle de méditation mais
également à tous les moments où nous sommes, que ce soit en mangeant, en
marchant, en travaillant, en se reposant,  ou même en faisant nos besoins... C’est
pourquoi Thầy accorde le temps de la méditation assise d’importance égale qu’aux
autres tâches de la journée. Sans distinction de tâches, la pleine conscience règne à
tout instant de notre vie.
Thầy a tiré substance pour ses instructions à partir des enseignements du Bouddha à
travers les différents sūtras qu’il nous a commentés avec simplicité et clarté et nous
a démontrés les pratiques simples qui s’en suivent. A  nous de nous y appliquer
diligemment, nous trouverons sans aucun doute paix et bonheur.
La base d’enseignement de Thầy repose sur le sūtra AN BAN THỦ Ý (Quán niệm hơi
thở,  Ānāpānasati sutta,  Sūtra de la pleine conscience de la respiration)
commenté par Khương Tăng Hội, le premier patriarche vietnamien au IIIème siècle.
Ce patriarche avait le génie d’employer le sūtra originel enseigné par Bouddha et de
l’adapter aux besoins de ses contemporains dans le courant du grand véhicule
bouddhiste Mahāyāna.
Thầy a eu le mérite de réactualiser ce Sūtra de la pleine conscience de la respiration
et de l’avoir mis en service au monde occidental quelque soit ses croyances ou sans
croyances particulières.
Dans la même orientation, Thầy a utilisé à merveille  le Sūtra des quatre
Etablissements de l’Attention (Kinh Tứ Niệm Xứ, Satipaṭṭhāna sutta), et a
décortiqué à fond cette méthode de l’attention aux quatre " demeures " tels que le
corps, les sensations, l’esprit et les objets de l’esprit. A partir de ce travail
d’observation qui est un travail de pénétration et de transformation comme agit la
lumière du soleil sur les plantes et les êtres, il a pu trouver des applications directes
dans la vie quotidienne et nous montrer par la suite comment traiter nos formations
mentales, nos perceptions erronées, mais  aussi calmer en prenant soin de notre
corps, de nos sensations, produisant ainsi une transformation intérieure et une
véritable guérison spirituelle. Aussi par  cette méthode, nous pourrons embrasser
notre colère, dénouer les entraves de nos formations internes qui sont enfouies dans
notre conscience, partager avec compassion les malheurs  des autres et nourrir les
graines saines de compréhension et d’amour, source de vie de partage et de
bonheur. La pratiquer de façon continue nous apportera réellement d’immenses
satisfactions et de grands avantages.
Le troisième sūtra enseigné par le Bouddha et essentiel pour la pratique de la
méditation serait le Sūtra de la meilleure façon de vivre seul (Nhất Dạ Hiền Giả,
Bhaddekaratta sutta). De nos jours, connaître et pratiquer " la meilleure façon de
vivre seul " garde toujours sa vérité et  son utilité premières pour l’humanité toute
entière. Ceci consiste à lâcher prise par rapport au passé et au futur, à vivre en
pleine conscience afin de pratiquer la vision profonde pour pouvoir découvrir la
véritable nature de tout ce qui se passe dans le moment présent. L’expérience de la
méditation du thé nous permettra de savourer le bon thé de l’instant. Quand Thầy
nous invite à prendre du thé en pleine conscience, nous pouvons alors pratiquer le
retour à l’instant présent pour vivre notre vie ici et maintenant. A cet instant précis,
nos mains et nos lèvres sont au contact du thé chaud et parfumant, nous le buvons
en pleine conscience. L’être et le thé ne font plus qu’un. C’est vraiment un moment
merveilleux de l’existence à ne pas manquer!
La dernière pratique, citée de façon non  exhaustive de tous les enseignements de
Thầy est celle des Quatre Etats illimités de l’Esprit, enseignée dans son livre titré
Enseignements sur l’Amour, et qui se compose de quatre états de l’Esprit : l’esprit
d’Amour incommensurable (Từ, Maitri), l’esprit de la Compassion incommensurable
(Bi, Karuna), l’esprit de la Joie incommensurable (Hỷ, Mudita) et l’esprit d’Equanimité
incommensurable (Xả, Upeksha) [Tứ vô Lượng Tâm, le Brahmavihara]. Par cette
pratique, Thầy nous invite à communier à autrui notre amour, à partager les
souffrances des autres, à savoir accueillir la joie d’autrui et à savoir appliquer le nonattachement c’est à dire le lâcher prise à partir de la pratique de la vision profonde
sur nos cinq agrégats tels que la forme (le corps) , les sensations, les perceptions,
les formations mentales et la conscience. Cette pratique n’est pas de pures
aspirations provenant d’un esprit puéril, car si nous la pratiquons consciencieusement
et sincèrement, elle nous permettra de regarder le monde avec sérénité et amour, au
moins de nous libérer progressivement de nos afflictions telles que colère, haine,
avidité, avarice, préjugés, ignorance,... et aussi de nourrir en nous les bons
sentiments, les perceptions justes, les réflexions justes, bref les bons grains de
l’amour et de la compassion, de la joie et du bonheur, de la liberté et du respect de
l’autre.
Thầy dit que chaque matin en ouvrant les yeux, il embrasse le monde d’un regard de
bonté aimante et de compassion.

ENSEIGNEMENTS DU MZ THÍCH THANH TỪ

L’enseignement pratique de Thầy relève de la lignée de  la méditation bouddhique
patriarcale dont le travail fondamental est de réaliser la Non-Pensée (Vô niệm, asmṛti), la voie d’accès étant la porte de la Vacuité, l’entrée au Dharma authentique.
Autrement dit, pour pratiquer cette méditation, nous devrons apprendre à réaliser la
Non-Pensée c’est à dire accepter de ne pas suivre les pensées discursives, de ne pas
nous laisser entraîner dans des réflexions, des discussions ou de calculs sans fins. Il
faudrait apprendre à lâcher prise toutes les idées parasites et analyses futiles afin de
pouvoir garder l’esprit dans son état originel. Ceci paraît à priori difficile à réaliser car
nous sommes habitués à croire que l’homme n’existe que par ses propres pensées,
et que sans pensées, il ne sera plus lui-même et risque de s’affoler devant ce silence
intérieur ou pire de ressentir une perte d’ identité, une sorte d’aliénation devant ce
vide.
Or pouvoir observer ce silence de l’esprit est un moment de rencontre merveilleuse
avec soi-même. Pour bien le comprendre, nous sommes obligés de remonter à la
source de la méditation bouddhique. Nous avons su que le Bouddha a pu obtenir
l’Eveil au bout de quarante neuf jours et nuits de méditation.
Un jour au cours d’un de ses sermons, Bouddha leva en silence devant ses disciples
une fleur de lotus. Devant  la surprise totale de l’auditoire, il n’ y avait que
MahāKaśyapa, un des grands disciples du Bouddha qui avait su répondre par le
sourire. Il avait réalisé sans paroles suivant la confirmation du Bouddha, l’ultime
vérité à travers la connaissance innée. Cette illustration montre que la transmission
d’esprit en esprit peut et doit se faire autrement que par les enseignements oraux ou
par les écritures. De là naissa l’esprit Dhyāna, ou esprit Ch’an, ou esprit Zen ou esprit
Thiền qui s’éclairait davantage après l’arrivée en Chine  au VIème siècle de
Bodhidharma, le premier patriarche chinois dont on lui  rattacha les stances
suivantes :
"Aucune dépendance à l’égard des mots et des lettres
Une transmission spéciale en dehors des Ecritures
Visant directement l'Esprit humain,
et retrouvant sa nature innée, on devient Bouddha"
Aussi, la transmission ne relève pas forcément de l'enseignement issu des sūtras, elle
se fait d’esprit en esprit. L’objectif paraît à la fois simple et direct : " En visant
directement l’esprit humain, on retrouve  sa nature innée et  on réalise l’état de
Bouddha ". Le message est clair. La bouddhéité est en nous et non ailleurs. A nous
de le retrouver et apprendre à vivre ainsi.
Le programme de Thầy vise donc à reconnaître l’ Esprit, cette bouddhéité qui
est en nous (Biết Chân tâm). Pour la compréhension de la pratique, Thầy répartit
le programme en trois étapes successives :
1)  Ramener les six organes de sens à l’Esprit (Quy sáu căn về Chân tâm) :
L’homme vit et se meut grâce à ses six sens. Ces organes sensoriels sont en contact
permanent avec leurs objets  de connaissance. Dans la vie d’une personne, son
équilibre et sa moralité dépendent de l’attachement que le sujet a pour son objet. Si
les six sens se laissent embobinés par leurs objets de connaisance, l’esprit dérive et
perd le contrôle de ses six sens.
Avant la pratique spirituelle, pour reprendre l’image employée  par un maître zen,
nous pourrons dire que tout profane voit les montagnes des montagnes et les rivières des
rivières, mais avec l’attachement conditionné aux spéculations sensorielles et
émotionnelles.
D’où risque évident de souffrances, et la sage attitude est de ramener ces six sens
à leur maître éclairé nommé l’Esprit.
Comment les ramener dans la pratique de la Méditation bouddhique vietnamienne ?
Thầy enseigna que lors du contact des sens, apprendre à reconnaître immédiatement
la présence in situ de l’esprit.
Nous le reconnaissons en confirmant mentalement :
- Ainsi quand les yeux voient les objets, nous reconnaissons d’emblée que c’est la
connaissance de l’esprit.
- Quand les oreilles entendent les sons, c’est aussi la connaissance de l’esprit.
- Quand le corps reçoivent des sensations, c’est la connaissance de l’esprit.
- Quand le nez sent les odeurs, c’est la connaissance de l’esprit.
Quand la langue goûte la saveur, c’est la connaissance de l’esprit.
- Quand la conscience est en connexion avec des pensées, c’est la connaissance de
l’esprit.
Bouddha nous a appris que nos six sens sont à l’origine de notre désir d’attachement
et de préhension pouvant amener à des souffrances, mais également à la source de
notre Eveil. Lorsque les organes sensoriels sont en  contact avec leurs objets de
connaissance, s’ils sont attirés aveuglément par leurs objets, ils nous amèneront sans
aucun doute vers la souffrance et le cycle de renaissances. En revanche, si les
organes sensoriels sont libérés des entraves de leurs objets, nous pourrons aboutir à
l’Emancipation du Samsara et atteindre ainsi l’Eveil. Par conséquent, nos organes
sensoriels constituent une véritable base de travail sur nous-même pour notre propre
transformation intérieure.
Ce retour à soi-même autoguidé au départ devra se pratiquer tout au long de la
journée. Cet entraînement permet à l’Esprit de faire tarir progressivement à la source
toute émission de pensées discriminatoires. Il paraît difficile au départ car nous
sommes tellement conditionnés à voir les choses avec nos préjugés et à les juger
selon nos critères prédéfinis. Pour pouvoir contrôler notre cortex cérébral de ne pas
émettre mille pensées parasites, nous avons la possibilité, avec la même procédure
de concentration mentale, de canaliser notre conscience dans une direction
déterminée tel que la concentration mentale par la méthode de Vision profonde
(Thiền quán, Vipassana) ou selon la conduite de la lignée de la Méditation
vietnamienne Yên Tử " Phản Quan Tự Kỷ " qui consiste à pratiquer une introspection
intérieure afin de mieux s’observer soi-même.
Au début de son enseignement, Thầy nous avait guidé avec ces préceptes suivants:
- Reconnaître le caractère illusoire des pensées et ne pas les suivre (Biết vọng không
theo).
- Ne pas s’attacher aux phénomènes extérieurs (Đối cảnh không tâm).
- ne pas s’accrocher aux deux bornes de la dualité (Không kẹt hai bên).
Avec la pratique de ces " trois Non ", nous avons pu déjà éliminé une grande partie
de parasitage environnante.
L’entraînement qui consiste à garder l’  esprit clair, celui qui précède toutes les
pensées nous permettra d’installer plus  efficacement un filtre à toute immixtion
éventuelle de pensées discursives. Dans la salle de méditation, pour ramener les six
sens à l’Esprit, nous avons l’avantage de pratiquer plus facilement les trois premiers
exercices de l’entraînement qui sont liés à la vue, l’ouïe et le toucher.
Bien entendu, le but de notre travail n’est pas de supprimer toutes nos pensées, de
refuser tout contact avec les  phénomènes extérieurs ni  de faire d’obscurantisme à
toutes formes de dualité qui font partie intégrante de notre vie sociale.
Bien sûr nos pensées sont vitales pour notre vie, malheureusement bon nombre de
celles-ci sont futiles et capables de nous perturber  jour et nuit si nous ne
connaissons pas les moyens d’y mettre fin.
Cet entraînement a le privilège de nous permettre d’être simplement de plus en plus
libre et maître de nos pensées, d’être détaché progressivement de toutes influences
extérieures négatives et de pouvoir être à l’aise entre les deux prétendues vérités.
La forme est vacuité, la vacuité est forme. Bref un lâcher-prise total des noms et des
formes qui sont reconnues d’emblée éphémères, impermanentes et destructibles
pour pouvoir prendre l’envol vers la liberté et le bonheur, un pas vers l’émancipation
et l’éveil.
2)   Une fois l’Esprit reconnu (Nhận ra Chân tâm):
Nous tâcherons alors de garder cet esprit omniscient et omniprésent (Chân tâm
hiện tiền) à travers toutes nos quatre positions de la vie courante et nos tâches
quotidiennes.
C’est un procédé de pratique de contemplation de l’Esprit au moment présent avec
un esprit serein et éclairé.
L’esprit omniscient est la vision unifiée des choses et des êtres qui nous permet
de mettre fin à tout dualisme, à tous critères de comparaison nous empêchant de
franchir la porte de la Vacuité, car tant  qu’il y a notion de dualité en nous, notre
esprit s’empêtre dans ce monde impermanent avec ses notions binaires de Bien/mal,
Vrai/faux, Beau/laid, etc... à ne jamais pouvoir s’en détacher.
L’esprit omnisprésent est la vision instantanée  comme celle du miroir. Avant
l’événement, aucune image est refletée. Après l’événement, l’image disparaîtra sans
laisser de traces. Pendant l’événement le miroir reflète toutes les images qui sont
dans son champ et rien d’autres.
La Vacuité (Tánh Không, Śūnyatā) est un concept très cher de l’enseignement du
bouddhisme Mahāyāna mais incompris par la plupart des gens qui  croient souvent
qu’il s’agit d’un vide avec tous les pessimismes du néant qui en découlent. Mais pour
ceux qui pratiquent  le sūtra du cœur (Tâm Kinh, Prajñā-pāramitā), ils peuvent
approfondir petit à petit cette doctrine et comprennent mieux ce  qu’est la vacuité.
Dans le sūtra, un paradoxe tel que la forme est vacuité, la vacuité est forme suppose
déjà de longue méditation pour pouvoir accéder à une compréhension correcte. La
forme, élément visible et  palpable de la vie n’est  pour le bouddhisme qu’un
assemblage de quatre composants tels que la terre, l’eau, le vent et le feu. Elle naît
et disparaît selon la loi  de l’Impermanence (Lý Vô Thường, Anicca) et de
l’Interdépendance productive (Thuyết Nhân Duyên, Paṭiccasamuppadā). Ainsi la
nature profonde de la forme est vide. Elle n’a pas d’existence indépendante et propre
(Non-soi, Vô ngã, Anatta) et ne peut prendre forme que grâce à l’interaction de la
production conditionnée.
A la fin de cet entraînement, le pratiquant voit que les montagnes ne sont plus des
montagnes, les rivières ne sont plus des rivières. Il n’existe plus rien de réel, de
permanent sur terre, tout n’est que phénomème éphémère.  Pas de forme, pas de
vacuité. Il reste seulement l’esprit qui nous illumine.
Nous serons en extase devant nous-même, devant cette merveilleuse présence qui
est omnisciente en nous, l’esprit qui nous a permis de nous affranchir de toutes les
entraves de la vie.
3)   Entrer en communion avec l’Esprit (Thể nhập Chân Tâm):
Avant d’ " entrer " dans l’Esprit, il est bon de savoir d’abord ce qu’est l’Esprit, sinon
lorsque nous le rencontrons, nous risquons de passer à côté. Comme l’esprit n’a pas
de forme, il est forcément invisible et indescriptible. Nous ne pourrons pas
l’appréhender avec nos cinq sens. Il n’y a que le " sixième sens " qui nous permettra
d’opérer la rencontre du 3ème type !
Sa description donnée dans les différents sūtras ou par les sages patriarches est la
suivante :  l’Omnicience permanente (Liễu liễu thường tri), n’ayant ni forme, ni
image, est la Non-Pensée par excellence . Car si la pensée a un début et une fin,
l’omniscience, elle, est cette connaissance  parfaite qui se manifeste directement à
travers nos six sens. L’action et la réaction sont parfaitement intuitives. L’esprit est
comme un miroir qui réfléchit les choses telles quelles dans son champ; aucune
projection, aucun écho supplémentaires venant d’ailleurs! Si une fleur de lotus passe
devant, il reflètera juste une fleur, sans connotation " belle " ou " parfumée " ou
" pure ". Si la boue passe devant, il reflètera juste la boue, sans connotation " sale "
ou " impure ".
Toutes les pensées futiles, discriminatoires sont donc bonnes à jeter, à évacuer, ou
plus simplement à ne pas les suivre. S’il y a une chose digne à réfléchir, le dispositif
d’introspection déjà installé sera tout prêt à fonctionner. Cette vision profonde a pour
but d’agrandir de façon neutre tous les  aspects de la chose et permettra ainsi de
trouver une solution rapide et avec cet avantage appréciable qu’elle est transparente
et dépourvue de tout attachement.
Rompu à cet entraînement, " l’Esprit devient Æest la Non-Pensée " (Chân tâm
là vô niệm). Ce serait la liberté totale et le bonheur de création sans fin car l’esprit
rayonne dans le monde de Non-forme et de Non-mental. En des termes plus
pratiques,  la Non-Pensée est l’instant présent avec détachement du poids
du passé et du souci de l’avenir. C’est la liberté et le bonheur du présent.  Les
oiseaux en bois sec chantent sur l’ arbre, et les poissons en terre cuite nagent dans l’eau.
Dans le passé, les patriarches restaient autant de temps dans cet univers de silence
(cinq ans - vingt ans) afin  de vivre en pleine conscience au moment présent avec
cette clairvoyance de l’esprit et le non-attachement à merveille.
A un stade encore plus avancé, L’Esprit devient tellement vaste que ses contours
touchent presque le fond de l’Univers. Seule la visualisation de la Non-Pensée
reste en nous afin de nous guider dans notre conduite .
Les choses et les êtres redeviennent tels quels et se simplifient à merveille.  Les
montagnes ne sont que des montagnes et les rivières des rivières. La forme est forme, la
vacuité est vacuité. La vérité est Ainsi (Chân như).
Au stade ultime de la réalisation, la Non-Pensée disparaît à son tour.
Le seul concept directeur et unifié étant tranché, la dualité entre sujet et objet est
transcendée à son tour, et la Non-Pensée se fusionne à sa vraie nature originelle.
L’être et tous les phénomènes deviennent Un, et Un devient Tout selon l’ordre de
l’InterÊtre. Sous les regards du Pratiquant, toute chose devient Juste Ainsi (Như thị).
Les montagnes et les rivières sont juste ainsi.
L’Esprit Clair (ou l’Esprit non-mental/Vô tâm)  retrouvera sa grandeur de
l’infini, de l’Univers tout entier. Cette Connaissance suprasensorielle ouvre à
perpétuité la Voie de l’Eveil à la Sagesse et à la Compassion (ou " la voie du
Bodhisattva "), qui est la résonance de l’Ainsité (Như như). En retrouvant sa vraie
nature, le cœur de Bodhisattva vibrera  avec l’esprit des autres et entrera en
compassion avec tous les êtres. Son esprit est juste " c’est " (Đang là), c’est à dire
lorsqu’une personne a faim, il lui donne à manger ; si elle souffre, il l’aide à sortir de
sa souffrance... et tout cela naturellement, sans s’attacher aux notions de bien ou
mérites de ses actes.
Tout devient lumineux et merveilleux à vivre à chaque instant. A chaque parole et à
chaque geste ainsi proférés par le Bodhisattva règnent la paix et le bonheur autour
de lui. " La Terre Pure " est tout à fait possible ici et maintenant. Il y aura sur terre
plus d’harmonie et d’entraide entre les êtres.
Tous les matins en se levant, Thầy se dit tout de suite habité par cet Esprit
omniscient et omniprésent.

ETUDE COMPARATIVE DES DEUX ENSEIGNEMENTS :
DEUX PERSONNALITES DIFFERENTES , UN CŒUR UNIQUE DE DHARMA



1)   Méthode :
MZ Thích Nhất Hạnh (TNH) et MZ Thích Thanh Từ (TTT) sont des moines zen
vietnamiens qui pratiquent et enseignent la méditation bouddhique vietnamienne
dont la source d’inspiration a été différente.
Thầy TNH s’est inspiré de l’œuvre du patriarche Khương Tăng Hội. Il utilise " une
passerelle spéciale " entre les enseignements originels légués par Bouddha et
l’héritage des enseignements du courant de Grand Véhicule  de Mahāyāna pour les
adapter à la compréhension du monde occidental. Le terme " passerelle spéciale "
relève de l’ingéniosité vietnamienne, car à partir des coutumes et traditions du pays,
Thầy s’ingénie à conceptualiser la quintessence bouddhique et à l’organiser en une
pratique adaptée aux besoins de l’époque.
Thầy TTT a donné toute son énergie pour  revaloriser les bases théoriques et
pratiques de la lignée de méditation Yên Tử qui florissait au XIIIème siècle sous la
dynastie des Trần, dont Trúc Lâm Đại Đầu Đà, ex-roi Trần Nhân Tông devenait le
premier patriarche vietnamien. Ce dernier arriva à rassembler toutes les lignées de
méditation qui existaient au Vietnam à l’époque, en une école unifiée.
Par conséquent, nous pouvons considérer que les méditations bouddhiques
enseignées par nos deux grands Maîtres ne sont pas plus vietnamiennes l’une que
l’autre.
Leurs actions constituent deux grands phares dans le Bouddhisme dont l’un renforce
la luminosité de sagesse et de compassion dans le monde occidental, et l’autre
éclaire par la Lumière blanche de l’ Esprit tout le Vietnam.
2)   Devise :
Dans l’évolution spirituelle du pratiquant bouddhiste, les conditions de l’Eveil sont au
nombre de trois :  les préceptes éthiques, l’état de calme mental et la Connaissance
parfaite (Giới, Định, Tuệ / Sīla, Samādhi, Paῆῆa).
- L'observance des préceptes éthiques (Sīla) constitue les premiers moyens
permettant de parer aux perturbations  environnantes empêchant le travail de
concentration.
-   Le Samādhi est l'état de calme mental ni troublé par le frémissement des " plaisirs
des cinq sens " ni entraîné par le courant des " six sentiments ", en restant aussi
inébranlable qu'une montagne.
-  C'est seulement à ce stade que nous pouvons acquérir la force de briser le mur
d'ignorance qui obscurcissait notre esprit depuis des  existences multiples, et
appréhender parfaitement le problème en quête de solution, ceci s'intitule la
Connaissance parfaite (Paῆῆa).
D'où l'importance de ce triptyque de conditions à l'Émancipation: Sīla, Samādhi,
Paῆῆa.
Pour MZ TTT, vis à vis de ce triptyque de conditions à l’obtention de l’éveil, le respect
rigoureux des préceptes bouddhiques est chose primordiale dans la vie d’un moine,
sans quoi les deux autres ne parviendraient pas à l’amener jusqu’à l’éveil. Aussi peut-
on devenir grand maître renommé dans le monde mais la réalisation de son éveil
risque d’être prorogée, car on a encore à acquérir pour sa perfection la Connaissance
supérieure de tous les dharmas du Bouddha (Nhất thiết chủng trí, Sarvabijajña).
Quant au MZ TNH, vis à  vis de ce triptyque, Thầy choisit pour la pratique de la
méditation la devise suivante : la pleine conscience, la concentration mentale et la
connaissance parfaite ( Niệm, Định, Tuệ / Smṛti, Samādhi, Paῆῆa). Thầy insiste sur la
pleine conscience comme base énergétique génératrice de la concentration et de la
sagesse. Lorsque la pleine conscience est maintenue, nous ne nous dispersons pas et
ne souffrons pas de poursuivre le passé ni de nous perdre dans l’avenir. Bref nous
sommes solides et libres ici et maintenant. Si chaque jour, nous oeuvrons à
construire " la Terre Pure ", l’avenir de celle ci dépendra de notre travail de tous les
jours. Le Nirvana du lendemain serait le nirvana de tous les jours réunis ici et
maintenant.
3)   Bodhicitta :
Bien qu’octagénaires, leurs  cœurs restent toujours débordants de Bodhicitta, esprit
de sagesse et de compassion.
a/   But :
L’objectif premier de MZ TNH est de répandre à tous vents le nectar de la
compréhension et de la compassion.  Thầy a prêché la non-violence et reste toujours
en première ligne pour la défense de la paix mondiale. Nous avons pu mesurer sa
grande détermination d’aller jusqu’au bout de sa doctrine du bouddhisme engagé par
son attitude pendant le discours donné à Kerkeley le 13 septembre 2001 en risquant
sa vie. Il a manifesté un  amour et une écoute inégalables pour les jeunes et les
personnes souffrantes de violence et de haine, d’oppression et d’injustice.
Récemment Thầy n’a pas hésité à aller au festival de Cannes pour signer un contrat
de production d’un film basé sur son livre intitulé " Sur les traces de Siddharta " sans
prendre aucune royaltie sur son droit  d’auteur. Juste 1% des bénéfices seront
versées aux enfants pauvres d'Inde et 1% aux enfants pauvres du Vietnam. La seule
condition exigée par Thầy soit que toute l'équipe du tournage, ainsi que les acteurs,
passent un séjour au Village des Pruniers ou dans un des centres annexes à travers
le monde afin d’apprendre à vivre en pleine conscience. Ainsi, le film ne sera pas un
"semblant" de bouddhisme.
L’objectif premier de MZ TTT est d’atteindre l’Eveil et  de guider ceux et celles qui
aspirent à suivre la voie de méditation. Cette voie était mise en léthargie au Vietnam
pendant les deux derniers siècles, et c’est grâce à Thầy qui a su déployer sans cesse
depuis 1970 une énergie et un tact inouïs pour raviver les bases d’enseignement de
méditation de la dynastie des Trần afin d’apporter une contribution primordiale dans
la reconstruction du Bouddhisme vietnamien. Au sommet de sa réalisation culturospirituelle, il serait logique de penser qu’  il se reposerait sur ses lauriers pour ne
glaner que les bienfaits de son action, Thầy préfère plutôt se libérer complètement
de ses tâches de " management " spirituel pour se consacrer uniquement à la
pratique de la méditation afin de servir d’exemple à ses disciples.
Aller jusqu’au bout de leur objectif avec le non-attachement caractérisé constitue les
forces de caractères propres à chacun de nos deux grands maîtres.
b/   Résultat :
Le fruit de leur action résulte de leurs aspirations profondes.
MZ TNH a semé la paix et le bonheur  de l’instant. Maintenant partout où Thầy
marque ses pas, tous les aspects de " la Terre Pure " se révèlent. Son Sangha solide
et souriant constituera un véritable bataillon pour la paix et la non-violence, et qui
propage les messages de compréhension et de compassion au monde entier.
MZ TTT a plaidé pour la recherche de la vérité ultime qui est la libération de soi par
rapport à ses obstacles intérieures, et l’atteinte de l’éveil qui pourrait se réaliser au
cours de cette vie. Sa conduite est de bien prendre soin  de  se  purifier  avant  de
vouloir dispenser des enseignements à ses semblables. C’est pourquoi bien que son
Sangha soit bondé de moines et moniales, Thầy n’autorise qu’un petit nombre de ses
élèves à quitter les monastères pour aller là où il y a de demande d’enseignement.
c/   La portée de leur action sur le monde comtemporain :
MZ TNH a une vision pragmatique de la vie. Notre monde moderne est déstabilisé
par les souffrances provenant du pouvoir  de l’argent et de  l’appât du gain à
outrance. Agir efficacement, c’est agir tout de suite ici et maintenant. Le cœur de
Bodhisattva n’attend pas les moments propices pour agir. Thầy incarne l’amour et la
compassion qui s’efforcent de soulager les souffrances immédiatement quelque soit
leur provenance. Il forme son Sangha à l’entraide et au partage sans attendre la fin
de la réalisation de leur pratique.
MZ TTT est aussi conscient  de la souffrance actuelle  dans ce monde matérialiste.
Mais Thầy cultive une compassion profonde proche de Bouddha qui consiste à
élucider toutes les causes profondes de nos souffrances afin de les éradiquer une fois
pour toutes. Il forme son Sangha selon l’objectif de la réalisation ultime. C’est pour
cette raison que malgré les demandes insistantes venant de tous horizons, Thầy
préfère garder ses disciples suffisamment en formation continue dans les
monastères, et qu’il les laisse partir au compte gouttes pour de telle investiture.
Ces visions ne sont en réalité que les  deux facettes d’une même médaille. Devant
une souffrance, l’attitude la plus sage est double, soulager autant qu’on peut
immédiatement, et trouver  en même temps une remède radicale qui possède la
possibilité de mettre fin à cette souffrance.
d/   Vis à vis du Vietnam, leur pays natal :
En début de l’année 2005, après près de 40 ans d’éloignement, MZ TNH a pu enfin,
sur accord du gouvernement, faire un voyage de retrouvailles au pays et a pu
prononcer environ soixante dix sermons pendant ces trois mois de séjour. Un record
mondial de transmission du Dharma pour un vieux moine âgé de 81 ans ayant su
garder un cœur jeune de compassion de 1000 ans !
Il paraît que depuis son retour en France, deux ou trois monastères au Vietnam
seraient autorisés à se transformer en centres de formation et d’enseignement de
Pratiques à l’enseigne du Village de Pruniers.
Quant à MZ TTT, lors de la vogue pour le départ à l’étranger aux alentours de 1962
pour la découverte de la liberté et du modernisme, Thầy avait répondu aux amis qui
l’incitaient à quitter le pays qu’il préféra y rester dans le but d’approfondir les sutras
et sastras et de les traduire du chinois en vietnamien afin de pouvoir partager
ensuite ses instructions à ses compatriotes.
Puis Thầy a oeuvré à redévelopper la lignée patriarcale Thiền Tông qui contribue  à
revaloriser le Bouddhisme vietnamien rabaissé à l’époque au rang des professions de
foi et de superstitions.
Aussi grâce aux efforts incessants de nos deux grands maîtres pour la traduction, les
écritures, les sermons et les célébrations des cérémonies religieuses réalisées en
langue vietnamienne, nos compatriotes ont plus de facilités à accéder à l’essence du
Bouddhisme, à s’éloigner des méprises liées aux supertitions et aux pratiques
douteuses, et à retrouver la valeur antique du Bouddhisme qui est le travail de
reconnaissance de soi, de sa bouddhéité, de sa Sagesse,  et la redécouverte de la
sérénité et du bonheur de l’Instant... et ceci jusqu’à l’Emancipation totale ou l’Eveil.
Comme la plupart des pays d’Asie,  le Vietnam est en proie à ses succès
économiques. Le gouvernement donne la priorité aux investissements économiques,
forcément liés au pouvoir de l’argent. Si notre cœur et notre conscience ne sont pas
entraînés aux pratiques authentiques bouddhiques, nous pourrons être très vite
corrompus par le dollar, le sexe, l’honneur et les pouvoirs. Des jeunes gens et des
personnes occupant des postes à responsabilités dans le pays se sont souillés dans
des affaires de violence, du commerce de drogues, de prostitution et de corruption.
Même après un échec, ils n’ont ni peur d’aller en prison ni de se donner la mort sans
état d’âme. Il est temps que le gouvernement et les religieux ainsi que toutes les
organisations sociales et lettrées au service de l’éthique, de la morale civique aient le
courage d’analyser ces fléaux et de  trouver un terrain d’action commune sur
l’éducation des jeunes, dans le respect des uns et des autres, afin de sauver ce qui
peut encore l’être. La protection des  jeunes, dont la scolarité gratuite et
l’encadrement moral pour tous les enfants, est la vraie richesse du pays à l’avenir et
non le bonheur matériel ni le succès de l’argent.

CONCLUSION
Nos deux grands maîtres ont consacré toute leur vie à pratiquer un bouddhisme
d’éveil et de compassion. Bien qu’octagénaires, ils continuent à être à leur manière
les garants de la diffusion du cœur d’esprit de compassion (Bồ đề tâm, Bodhicitta),
les héritiers de la Vraie Loi Bouddhique (Chánh pháp, Saddharma), les porteurs
authentiques du flambeau de  l’Enseignement de Bouddha (Phật pháp,
Buddhadharma).
Ils ont offert gracieusement au monde entier les deux précieux héritages suivants, le
premier est de savoir savourer, malgré les vicissitudes  de la vie, le Bonheur de
l’Instant, et le deuxième est de savoir que nous avons un  trésor inestimable
beaucoup plus important que toutes les richesses réunies du monde, celui de
reconnaître notre nature profonde, le Bouddha en soi, et que tous les êtres et des
choses sur terre ne font qu’UN, l’inter-être.
Que nous sommes laïcs ou moines, bouddhistes ou pratiquants d’autres religions ou
plus simplement encore Non-pratiquants, nous possédons tous en nous ces deux
trésors. Il suffit en connaissance de cause, de les remettre  en valeur le plus
régulièrement et le plus concienscieusement possible, nous verrons alors que nous
deviendrons " riches ", c’est  à dire beaucoup plus solides et plus libres dans nos
actes, et par conséquent plus heureux et plus solidaires envers autrui, et bien
entendu ceci dépend du tempérament,  de notre niveau de compréhension et
d’application.
Sur terre, il y aura moins de haine et de terreur... La violence et la jalousie feront
place à la paix et au partage.... Ce sont donc des pratiques qui méritent d’être
connues, d’être promulguées aux plus lointaines contrées du monde afin que tous les
êtres puissent les appliquer aux bénéfices de leur bonheur et de leur liberté.
Par ailleurs, pour le concours à l’embellissement de la Maison mondiale du
Bouddhisme, nous disposons des moyens habiles pour diffuser le Dharma
authentique à travers les médias internationaux tel que le comité Nobel de Suède.
Pour cela, il suffirait d’une intervention juste et efficace  de la part des pratiquants
des méthodes d’enseignement des deux Maîtres auprès des anciens lauréats, des
nominateurs des Prix Nobel, des membres de certaines académies et comités
concernées pour la désignation du prix Nobel de la Paix.
Mahatma Gandhi, ayant lutté durement  pour la non-violence, et malgré de
nombreuses nominations, n’a pas pu obtenir le prix Nobel. Son décès en 1948 a mis
fin à toute poursuite de le nominer.
Sa Sainteté Dalai Lama a reçu en 1989 le prix Nobel de la Paix pour avoir plaidé en
faveur d’une solution pacifique du problème de Tibet. Aujourd’hui, Il reste toujours
en exil à Dharamsalla au nord-ouest de l’Inde, et la culture tibétaine est en train
d’être adsorbée par la culture et la civilisation chinoises.
MZ Thích Nhất Hạnh a été proposé par le pasteur Martin Luther King pour le prix
Nobel de la paix en 1967, mais l’éventuelle nomination a été ajournée par
l’assassinat du pasteur.
Vu actuellement l’état bénéfique des actions du MZ Thích Nhất Hạnh dans le monde
entier et celui des enseignements du MZ Thích Thanh Từ sur la transformation
profonde du peuple vietnamien, nous sommes en droit de penser que nos  deux
Maîtres pourraient être nominés en même temps pour le prix Nobel de la
Paix. Encore une fois de plus, nous savons qu’ils sont déjà octagénaires, qu’ils
n’auront pas besoin de l’honneur ni de la notoriété. Cependant le prix Nobel
permettrait de stigmatiser le monde moderne pour qu’il comprenne que l’humanité
peut encore trouver le bonheur et la liberté à côté de la richesse matérielle, et ceci
grâce au travail de transformation de soi à travers la méditation bouddhique.
Aux aspirations les plus profondes pour le bonheur réelle de l’humanité, nous nous
joignons les deux mains pour prier pour que les Sanghas de deux côtés puissent unir
leur actions pour une transmission durable des méthodes de méditation de nos deux
grands Maîtres. Une transmission adaptée et efficace aux générations futures des
messages d’amour et de compassion, de sagesse et d’éveil serait assurément le
témoignage de notre profonde gratitude envers nos Maîtres.

Namo Sakkamuni Buddha